Imaginé par le jeune ingénieur franco-japonais César Harada, Protei est un drône marin capable de nettoyer et les océans, et dont la technologie est entièrement open source hardware, développée par une communauté internationale, avec une structure qui n’est pas sans rappeler le monde du logiciel libre.
Les images de la marée noire du printemps 2010 au large de la Louisiane ont marqué les esprits. César Harada, lui, était sur place. Au-delà du choc des images de l’eau noire et visqueuse qui souille lentement le golfe du Mexique depuis la plateforme de BP, ce sont les moyens mis en œuvre pour nettoyer cette pollution marine qui ont révolté ce jeune chercheur franco-japonais.
Alors qu’il travaille à la mise au point d’une solution de nettoyage de la marée noire au sein du prestigieux MIT, César réalise que la technologie propriétaire utilisée par son laboratoire n’est pas la plus efficace, et qui plus est largement verrouillée par des brevets industriels. Il décide donc de quitter le MIT pour mettre au point un drone marin open source capable de nettoyer les océans.
Un drôle de poisson
A voir les navires de nettoyage gaspiller des tonnes de gasoil pour n’emprisonner au final qu’une partie infime de la marée noire (3% environ), la marge d’amélioration est colossale. D’autant que le procédé est extrêmement nuisible pour la santé des marins chargés de mener ces opérations, exposés à des matières toxiques réduisant leur espérance de vie de manière inquiétante.
L’objectif de César est aussi simple qu’ambitieux : développer un procédé alternatif s’appuyant sur un engin à propulsion écologique, capable d’absorber un maximum d’hydrocarbures, peut coûteux et qui ne mette pas en péril la santé des équipes chargées du nettoyage.
La solution: Protei, un drône marin tirant derrière lui une longue queue absorbant le pétrole, mû par la force combinée du vent et des vagues, et dont les déplacements sont réglables à distance du moyen d’une télécommande. Après plusieurs itérations, Protei ressemble désormais à un poisson doté d’une voilure : sa la coque, se courbe et ondule au gré des vagues telle un poisson.
TED Talk – Protei, a novel idea for cleaning up oil spills
Open H2O, une communauté internationale
La plus grande force de Protei ne réside pas dans sa seule technologie, mais dans son mode de développement. Le plus grand aboutissement du projet est en effet la construction de la communauté Open H2O, qui rassemble marins, chercheurs, ingénieurs, designers, entrepreneurs et industriels des quatre coins du monde. Chaque semaine, ces derniers synchronisent leurs travaux au moyen d’une visioconférence calée à peu près en journée sur l’ensemble des fuseaux horaires impliqués sur le projet.
Des esquisses envoyées de Corée du Sud, des tests de prototypes réalisés aux Pays-Bas, et une mise en commun permanente des savoirs et retours d’expérience d’une communauté internationale : avec brio le potentiel de l’open source hardware, aux côtés de projets comme Open Source Ecology ou Wikispeed.
Un modèle économique inspiré du logiciel
Fin 2012, César décide de séparer la gouvernance de Protei Inc., une startup robotique fabriquant et commercialisant des drônes, de celle de la communauté Open H2O qui prend le alors statut de fondation. Le rôle d’Open H2O est de développer des technologies open hardware pour les océans, utilisées non seulement par Protei, mais aussi par OpenROV (qui fabrique des petits sous-marins d’exploration) et potentiellement tout un écosystème d’entreprises commerciales, dont certaines ciblant le même marché que Protei.
La raison de cette séparation est simple : premièrement César souhaitait protéger le caractère open hardware de sa technologie, dont la finalité est de servir l’environnement et les humains en priorité avant qu’elle ne permette de réaliser un profit ; deuxièmement les deux structures n’ont pas la même mission, ni la même temporalité, ni les mêmes clients, et surtout n’ont pas les mêmes processus de gestion. Cette séparation répond donc tant à des considérations éthiques que pragmatiques.
La synergie entre les deux entités est une relation gagnant-gagnant : Protei bénéficie du soutien de la communauté internationale pour sa R&D, et OpenH2O reçoit le soutien financier et en temps-homme de développement de la part de Protei, ainsi qu’une source précieuse de feedback « terrain » pour améliorer la technologie.
Afin de fournir à la jeune startup un avantage concurrentiel temporaire, la technologie open source hardware est publiée librement peu après après le début de sa commercialisation par Protei, et non pas au fil au développement. Ceci lui fournit une courte fenêtre lui permettant de rentabiliser son investissement en vendant des drônes avant d’être copié et émulé : un modèle également adopté par la startup open hardware emblématique Sparkfun.
Il est intéressant de noter qu’en distinguant structure non-profit (R&D open source) et commerciale (vente de produits), César Harada a répliqué dans le hardware un modèle déjà connu dans le software : celui des fondations du logiciel libre et de l’open source. Des Fondations telles que Linux, Apache ou Mozilla ont en effet pour mission de « protéger » l’intégrité du code et de la communauté, tout en permettant à un écosystème dynamique de créer de la valeur commerciale au-dessus des communs. Ce principe de synergie entre les communs et les entrepreneurs a été théorisé notamment par Michel Bauwens, fondateur de la P2P Foundation, qui la complète par le rôle d’un acteur public renouvelé en tant que « garant des communs et de l’infrastructure de coopération ».
Sur la route du succès
En porte-étendard du projet Protei, César vient de boucler tour du monde en bateau avec l’équipage « Unreasonable at Sea », qui a rassemblé 10 projets hardware innovants et à fort impact social. Aujourd’hui, le drone Protei mesure 6 mètres de long et tractent une queue absorbante de 25 mètres, capable de collecter 2 tonnes de pétrole et autres déchets divers. En attendant qu’il s’attaque, grandeur nature, à la mer de plastique qui souille les mers du globe, aussi dénommée le « septième continent ».
bjr CESAR
je suis intéressé par ton projet pour nettoyage de lagon de port etc… et aussi pour cartographie de zone peu profondes envahies de corail donc difficile d’accès
je suis hydrographe océano j’exerce en polynésie française
merci de me répondre
christian
Où en est ce projet fascinant ?
Dur d’avoir des nouvelles sur le web