L’agriculture urbaine fait son retour depuis quelques années, et l’engouement des citadins pour cette nouvelle forme de réappropriation de l’espace est grandissant. Si le nombre d’initiatives et leur diversité peut surprendre, c’est qu’au delà de la simple production alimentaire, cette « néo-agriculture », bien que pas si nouvelle, incarne non seulement la volonté de repenser nos modèles et de production et de consommation urbains mais aussi, et plus largement, nos modèles d’organisation et de vivre ensemble.
Par Floriane Guillain et David Chapuis, co-fondateurs de l’association Voz Orgánica
Alors que Demain en 2015 avait permis d’offrir un coup de projecteur sur ces solutions positives qui existent dans le monde entier, le documentaire de Marie-Monique Robin, Qu’est ce qu’on attend, sorti fin 2016, nous laisse découvrir le visage d’une ville en transition. Un lieu où la communauté est portée par un intérêt commun, et une façon, peut-être, de redonner du sens au mot “société”.
Car oui, qui aurait pensé que la championne des villes en transition est une petite commune française ? Qu’est ce qu’on attend ? raconte comment Ungersheim, ville d’Alsace de 2 200 habitants, s’est lancée dans une démarche de transition durable. À l’initiative de son maire Jean-Claude Mensch, la municipalité a lancé en 2009 le programme de démocratie participative « 21 actions pour le XXIe siècle », conçu autour de chacun des aspects de la vie quotidienne et visant à développer l’autonomie alimentaire et énergétique de la ville. Labour à cheval, Jardins du Trèfle Rouge, circuits courts, repas bio pour les écoles, monnaie locale, centre photovoltaïque… Autant d’initiatives qui réunissent et animent les habitants de ce village, désormais convaincus qu’une transformation positive est possible.
Alors, Qu’est ce qu’on attend ? Une seule réponse possible. Rien. Nous sommes bien dans la rhétorique. Et peut-être est-ce la morale que nous livre Marie-Monique Robin à travers le témoignage des habitants de Ungersheim.
Nous avons tous, à notre échelle, la volonté et les moyens d’agir pour repenser nos modes d’organisation.
Une appropriation citoyenne de l’espace urbain
Direction la ville de Los Angeles, et le ‘South Central Urban Farm’, l’un des plus importants jardins urbains des Etats-Unis. Fondé en 1994, ce jardin communautaire de 5,4 hectares a prospéré pendant 12 ans à South Central, l’un des quartiers les plus difficiles de Los Angeles, permettant à 350 familles à faible revenu d’avoir accès à des aliments frais de qualité. En 2003, la ville octroie l’espace à un promoteur immobilier, menant en 2006 à l’expulsion des agriculteurs, et menaçant le rôle et l’utilité de la communauté : fournir des espaces verts, de rencontre, et des aliments sains à la population. Malgré les protestations et après plusieurs tentatives de relocalisation dans la ville, les agriculteurs ont acquis un terrain de 34,4 hectares à Buttonwillow, à 200 kilomètres de Los Angeles. Aujourd’hui, à South Central, les familles restantes ont créé le ‘South Central Farmers’ Health and Education Fund’ et la ‘South Central Farmers Cooperative’, un organisme communautaire dédié à l’autosuffisance communautaire par l’agriculture urbaine et rurale. La nouvelle organisation maintient sa présence dans la communauté. Elle nourrit environ 10 000 familles par semaine, favorise la biodiversité écologique et la préservation de variétés, l’éducation nutritionnelle des jeunes par des programmes de sensibilisation et des jardins scolaires. Des actions qui ont notamment contribué à la création d’une nouvelle ordonnance municipale permettant aux résidants de Los Angeles de planter des jardins comestibles sur leurs trottoirs.
Un droit à la terre agricole en ville, et surtout un moyen de réappropriation de l’espace urbain et de son organisation par la communauté.
Une réappropriation citoyenne qui revêt de multiples fonctions et que beaucoup voient comme un moyen de relever les défis posés par l’urbanisation : sécurité alimentaire, défense de la biodiversité, gestion des ressources, éducation, santé, développement économique, lutte contre les inégalités… Si l’histoire de South Central est exceptionnelle et emblématique par son ampleur et son déroulement – elle a notamment inspiré le documentaire The Garden de Scott Hamilton Kennedy – elle est aussi représentative d’un phénomène citoyen répliqué aux quatre coins du monde.
Et c’est bien le développement d’une vision intégrée de l’agriculture urbaine, associée à la mise en place de politiques publiques participatives incluant l’alimentation qui devront être à l’agenda de villes et métropoles, des communes, des municipalités, et des quartiers. La participation à la vie démocratique doit être valorisée et soutenue pour redonner aux citoyens les modes d’action d’une transformation positive et durable.
En repensant la façon dont nous mangeons en ville – qui produit ? Qui vend ? Que mange-t-on ? Comment s’approvisionne-t-on ? – nous repenserons les modèles de production, de consommation et de collaboration urbains.
Nous adressons autant l’alimentation que les problématiques d’environnement, d’économie locale, de santé, d’éducation et d’interactions sociales. Des solutions citoyennes pragmatiques, locales, et durables.
Alors vraiment, qu’est ce qu’on attend ?
Voz Orgánica est une association d’intérêt général fondée en 2016. En mars 2017, l’équipe mènera sa première expédition bio’urbaine : 10 mois en immersion au sein de communautés bio-résilientes d’Amérique Latine pour construire la ville organique de demain : productive, verte et vivante ! Plus d’infos ici !