Jean-Marie Bourgogne est responsable numérique à la ville de Montpellier et nous avons souhaité l’interroger sur les enjeux liés à l’open data pour une collectivité : quel rôle et quels enjeux au sein de l’écosystème de l’open data ?
Pour quelles raisons une ville comme Montpellier s’intéresse-t-elle à l’open data ? Quels types d’action mettez-vous en place ?
Pour une ville comme Montpellier, l’open data, c’est avant tout un dispositif à l’intérieur d’une stratégie plus globale. On ne fait pas de l’open data pour répondre à une opportunité ou une mode mais parce que c’est un levier pour réaliser notre stratégie numérique et cela pour construire une ville solidaire, une ville durable et une ville performante.
Nous avons trois types d’actions liées à l’innovation numérique : contribuer à décloisonner les acteurs, diminuer le coût de l’innovation pour la rendre accessible au plus grand nombre d’entreprises et faire naître des thématiques qui vont incarner les deux premières actions.
Pour décloisonner les acteurs, nous mettons en place des lieux comme les cantines qui leur permettent d’interagir facilement, nous animons également des occasions de rencontres et d’échanges.
L’open data permet d’abaisser la barrière à l’innovation et elle est un levier pour démocratiser l’innovation et la rendre accessible aux petites entreprises et aux associations.
Auparavant, seuls les gros acteurs avaient les moyens de collecter et d’analyser des données. En ouvrant nos données, nous permettons aux start up et associations de s’en emparer et de construire des activités innovantes qui vont s’appuyer sur les données ouvertes. Enfin, par la thématisation, par exemple la santé ou le handicap, nous contribuons à créer une tension positive pour que les acteurs se saisissent de ces opportunités et de ces moyens dans le cadre d’une finalité claire et délimitée. Il ne suffit pas de créer les conditions, c’est important certes mais pas suffisant, il faut aussi thématiser pour faire converger les énergies.
Avez-vous un exemple illustrant cette approche ?
Nous avons par exemple lancé des opérations pour cartographier l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap à Montpellier. Bien sûr en tant que collectivités nous sommes principalement intéressés pour fabriquer une ville meilleure pour ses occupants et nous privilégions les initiatives qui ne sont pas les débouchés naturelles des initiatives strictement commerciales. Le handicap en fait partie. C’est notre rôle d’animer les énergies dans ces directions.
Souvent, ces initiatives butent sur des questions de financement, quelle stratégie mettez-vous en œuvre sur ce sujet ?
C’est clair que le financement est la difficulté principale : les besoins sont là, les technologies aussi, les usages commencent à se généraliser. Traditionnellement les collectivités contribuent au financement des initiatives associatives. Cependant, les budgets des collectivités sont aujourd’hui très contraints et de nombreux sujets sont plus critiques que les données ouvertes. Notre rôle en tant que financeur direct est donc relativement insuffisant quand on le compare aux besoins et aux opportunités.
Derrière cette question de financement se cache celle, plus importante de la taille critique. En effet, une ville ne peut pas, seule offrir la base d’utilisateurs nécessaire pour rentabiliser les services ou les applications qui peuvent être créées sur les données ouvertes. Il est important de changer d’échelle et de regrouper plusieurs villes pour bénéficier d’une base d’utilisateurs plus importante.
Cela nécessite donc que les villes se coordonnent et réalisent des actions communes et mutualisées. Par exemple, créer une application autour du handicap qui va bénéficier à deux villes. C’est une question nouvelle pour les villes, elles ont l’habitude d’appuyer des initiatives localisées sur leur territoire et sont moins habituées à financer des organismes situés sur d’autres territoires, même pour servir leur population. Nous avons fait avancer les choses et une application développée à Montpellier a été reprise dans une autre ville. Dans le sens inverse, la ville de Montpellier a contribué au financement d’une entreprise rennaise pour développer une application qui va servir aussi à Montpellier. Les mentalités changent dans les villes, elles s’ouvrent de plus en plus à ces démarches mutualisées.
L’étape suivante serait de construire une plateforme nationale sur laquelle les villes pourraient lister les initiatives qu’elles prennent et contribuer au financement de projets d’autres villes qu’elles pourraient utiliser. Le pré-requis important à ces démarches mutualisées est bien sûr que nos données soient normalisées et interopérables. On y vient progressivement.
L’autre intérêt de cette normalisation et de cette mutualisation serait d’améliorer la lisibilité des actions réalisées par les villes et de les comparer entre elles.
Dans cet écosystème quelle est la place des entreprises privées ?
Il y a une contribution attendue très claire sur les compétences technologiques et techniques : créer des portails, faire de la data ou info visualisation sont des compétences qui ne sont pas toujours disponibles au sein des collectivités et qu’elles n’ont pas d’intérêt à développer.
L’autre contribution concerne le déploiement de ces initiatives dans d’autres villes, les villes ne sont pas les acteurs les mieux placés pour assurer ce déploiement.
(illustration : Montpellier, Place de la Comédie par parenjc)