A quoi peut servir le design dans une grande entreprise à forte compétence technique ?
Conférence du patron du design d’EDF dans le cadre du séminaire Création de l’école de Paris. Quelles méthodes ? quelles applications ? quels résultats ?
Présentation par l’organisateur
Une aporie sur la question énergétique dans les décennies à venir, des scénarios proposés peu désirables, une impossibilité de faire évoluer la manière dont on aborde ces questions sans mobiliser une multitude d’acteurs… Puisque la création naît de la contrainte, le secteur de l’énergie a tout pour devenir un domaine de choix du design. Mais comment faire œuvre de design sur un objet invisible, immatériel, où ce qui est vendu, le kilowattheure, ne représente rien pour le client ? C’est à ces défis et aux défis sociétaux qui les sous-tendent, que l’équipe du design d’EDF a dû apporter des réponses. Ces réponses passent aujourd’hui par un processus impliquant la création de divers types d’objets, comme l’herbier énergétique, qui ont différentes fonctions, notamment celle de partager la démarche design dans l’entreprise.
Notes de l’événement
L’approche du design chez EDF
4 designers integrés constituent l’équipe dirigée par Gilles Rougon, elle dépend de la direction de la R&D d’Edf. Les méthodes et l’approche employée sont à la croisée de la tradition française et européenne du design et l’apport du design thinking américain
L’enjeu du design pour Edf : la consommation énergétique va doubler d’ici à 2050, la question des ressources disponibles pour produire cette énergie se pose. On estime que 50% de cette consommation sera assurée par les sources traditionnelles et connues (énergies fossiles et renouvelables), le reste sera permis par les changements de comportements des individus et des entreprises (partage, co voiturage). L’ampleur des changements nécessaires est colossale pour relever le défi énergétique. L’équipe de design d’Edf travaille entre autres sur les conditions de désir de l’évolution des comportements de consommation et l’identification de nouveaux scénarios de consommation (par exemple : rapprocher les lieux de production des lieux de consommation d’énergie).
Pour contribuer à ces questions, le travail de l’équipe de design s’articule autour de 3 axes :
- materialisation de l’énergie (à quoi ressemble un kw),
- appui au développement technologique (raccourcir le temps de cycle par les usages),
- diffuser une culture d’innovation au sein du groupe
Sur chacun de ces axes, les projets de design suivent une séquence en trois temps (élaboration de scenarios, étude de faisabilité, développement) qui met en relation l’entreprise à ses parties prenantes. Dans les phases amont ce sont les relations avec les parties prenantes qui dominent l’étude, alors que dans les phases aval, l’appropriation par l’entreprise prend plus d’importance.
4 décisions peuvent être prises à chaque etape : goNogo, shelf (mis sur étagère), protection industrielle (brevets), communication externe (ex : organisation d’une exposition sur les objets innovants)
Deux exemples de projets
Améliorer la matérialisation de l’énergie chez les particuliers : l’horloge Watt Time
Edf a concçu une horloge qui restitue la consommation énergétique d’une maison de façon chronologique et analytique (par type d’appareils). 6 ans de développement ont été nécessaires pour ce projet qui débouchera sur une commercialisation dans les prochains mois.
Développer la production locale d’énergie : les murs photovoltaïques puzzle E.
Constat de départ : beaucoup d’habitations ne permettent pas une production optimale d’énergie par le photovoltaïque car elles sont mal orientées. Or la majorité des maisons dispose d’au moins un mur orienté convenablement. Edf a donc développé des capteurs photovoltaïques qui peuvent se poser sur les murs.
Les design workshop, outil de travail du designer chez Edf
La cellule de design organise pour réaliser ses missions des Design workshop de 3 jours dans l’inspiration du design thinking (divergence puis convergence, référentiel commun, …).
Ces workshops rassemblent des salariés d’Edf issus de différentes directions (technique, commerce, marketing, …) et ont pour objectif de définir des projets d’innovation.
Au-delà de l’apport en termes d’identification et de caractérisation de pistes, ces workshops permettent de générer un engagement plus fort dans la mise en oeuvre
Les designers apportent 5 qualités dans ces workshops (qu’ils ne sont pas les seuls à posséder) : formalisation, critique positive (poil à gratter), conviction argumentée, synthèse, médiation.
Les enjeux de modèles économiques
Le modèle économique ne résidera plus sur la croissance de la production car la croissance de la production ne permettra pas de suivre la croissance de la consommation. La contradiction entre travailler sur l’économie d’énergie et chercher à vendre de l’energie n’est donc qu’apparente selon G. Rougon.
Dans cette optique, la question des partenariats est déterminante : avec qui les nouer, à quel moment, sur quelles bases.
De la même façon, la question des données (leur collecte, leur analyse et leur monétisation) est ouverte. Actuellement, c’est la direction de l’innovation qui identifie comment susciter des services avec des partenaires sur la base des données détenues par Edf.
