Open & agile manufacturing : opportunités et obstacles

Dans cet article publié dans Open Models, les business models de l’économie ouverte, Martin Kupp traite une question récurrente quand on parle d’agilité dans les grandes entreprises : comment faire danser les éléphants ? 

Lorsque l’on parle avec des dirigeants de grandes entreprises industrielles comme Siemens, Bosch ou Schneider Electric, tous semblent avoir la même préoccupation : comment peut-on gagner en vitesse de production, être plus flexibles face aux évolutions rapides du marché et enfin, innover en termes de technologie ou de réponse aux attentes des consommateurs ?

Il est important de comprendre les mécanismes de cette évolution. Depuis 5 ans, je travaille en étroite collaboration avec plusieurs firmes sur ces enjeux de flexibilité et d’ouverture. J’ai retenu trois principales raisons pour lesquelles il est si important de s’intéresser à ces problématiques.

Tout d’abord, beaucoup de grandes entreprises qui ont bâti leur excellence sur la production en série ont observé que les changements d’exigences et de spécifications durant la phase de développement du produit sont devenus de plus en plus fréquents .

Le fournisseur automobile allemand Bosch a fait récemment face à ce défi en Chine, où non seulement les temps de cycle sont significativement plus courts qu’en Europe ou aux Etats-Unis, mais où les constructeurs automobiles changent également souvent leurs plans juste avant le lancement de la production. Au-delà de cet exemple, les travaux de recherche attestent des évolutions des processus de production : avec les changements de spécifications et d’exigences de dernière minute, il devient plus difficile d’assurer les délais suffisants à la fabrication.

La réduction des volumes commandés est un second élément à apprécier. Avec des variations de produits nombreuses introduites dans une durée courte, la taille des lots diminue et la fabrication doit être plus agile pour réagir. La « longue traîne » est un exemple de cette évolution. La société allemande Dräxlmaier en est un cas extrême. Cette usine produit des faisceaux électriques sur-mesure pour l’industrie automobile. « Sur-mesure » signifie qu’il n’y a pas deux voitures qui soient produites le même jour ni la même semaine avec le même faisceau électrique. Chaque faisceau est réalisé en fonction des spécifications désirées par l’utilisateur final !

Enfin, on observe que la distinction entre hardware et software devient obsolète, les hardwares étant vendus avec leurs softwares sans lesquels ils ne sont rien. La société Nest, fabricant de thermostats et détecteurs de fumée, achetée en janvier 2014 par Google pour près de 3,2 milliards de dollars US, est certes un fabricant d’appareils domestiques mais également et avant tout un développeur de logiciels permettant l’intégration de ces appareils à l’écosystème technique et de services de l’internet des objets. Avec des cycles de développement traditionnellement plus courts dans le logiciel, les entreprises doivent trouver de nouvelles manières d’ajuster et de raccourcir les cycles de développement des produits.

Ceci pose une question intéressante : le processus de fabrication a-t-il bouclé la boucle de son évolution ? Revenons-nous à ce qu’était la fabrication à ses débuts ? J’entends par là que lorsque l’on regarde les débuts de l’histoire de la fabrication, ils ont été ce que l’on qualifie aujourd’hui d’agiles et ouverts. La taille des lots était réduite, la personnalisation généralisée et les partenariats avec les fournisseurs et consommateurs habituels. C’est seulement avec l’industrialisation, plus particulièrement avec l’invention de la ligne d’assemblage popularisé par Henri Ford, que l’on a vu émerger la fabrication à plus grande échelle puis finalement la production en série.

Il existe bien sûr des réponses d’ordre technique aux défis que nous avons mentionnés précédemment. Certaines entreprises ont développé des technologies comme que le standard pour les produits échangés (STEP), l’ingénierie concourante, la fabrication virtuelle, le lean manufacturing, la conception de produits orientés objet (méthode MACAO), le développement flexible de produit ou encore, ont trouvé de nouvelles manières de travailler ensemble comme la méthode scrum.

Hormis ces diverses solutions techniques, j’aimerais partager trois facteurs de succès que j’ai eu l’occasion de relever au sein d’entreprises capables de mener à bien des projets avec agilité et ouverture :

1- Les gens avant les process.

Pour de bonnes raisons, le slogan « people over process » est la première valeur qui figure dans le Agile Manifesto conçu en 2001 par un groupe de développeurs de logiciels. Les entreprises doivent trouver de nouvelles façons de rendre le travail stimulant et auto-déterminé par les salariés. On ne peut pas forcer les salariés à se montrer agiles et ouverts.

2- Impliquer les fournisseurs, les consommateurs et gérer les communautés.

Je pense sincèrement que les entreprises qui veulent s’ouvrir davantage devraient commencer avec leurs fournisseurs et clients. Non seulement elles sont ses parties prenantes les plus proches et mais surtout ce sont celles qui déterminent son succès. Cela constitue une différence majeure avec les fabricants de software, où les fournisseurs sont souvent moins importants. La clé pour gérer les fournisseurs et les clients avec succès est d’offrir avant de demander (attention proactive) et d’être très réactif lorsque l’on a des retours (attention réactive).

3- Des données de bonne qualité.

Dernier élément et pas des moindres, la qualité des données collectées et analysées par les entreprises est un élément déterminant de leur capacité à réagir rapidement et de manière effective aux changements du marché et des technologies, aux commandes de tailles réduites, et à un cycle d’innovation accéléré, souvent guidé par les développements de software.

Cette traduction de l’article de Martin Kupp Open and Agile manufacturier, opportunities and obstacles, nous a été proposée par Céline Maublanc.

Partager

Martin Kupp

À propos de Martin Kupp

Strategy teacher at ESCP Europe

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *