Futur et enjeux du coworking: comment rendre le modèle collaboratif viable ?

Surplombant les rizières, l’espace de coworking Hubud Bali a accueilli 135 participants venant de 30 pays différents pour la toute première Coworking Unconference en Asie en janvier dernier. 3 jours de sessions et partage d’idées pour faire face aux différents enjeux actuels du coworking. 

Créer des partenariats pour soutenir les espaces de coworking

Bien que ces espaces collaboratifs connaissent une croissance exponentielle, y compris en Asie, terrain fertile pour ces communautés de par sa scène entrepreneuriale croissante et ses nombreux défis démographiques, environnementaux et sociaux, les espaces de coworking peinent à trouver un modèle viable.

En effet, la valeur qu’ils créent en permettant aux entrepreneurs d’évoluer dans un environnement stimulant, de partager et challenger leurs idées et d’élargir leur réseau, est non pécuniaire.  Pour survivre, un enjeu majeur est d’arriver à établir des partenariats avec des grandes boîtes et le secteur publique pour obtenir d’autres sources de revenu que la seule cotisation des membres.

Mais est-ce que les entreprises et le gouvernement n’ont pas justement encore plus à y gagner à collaborer avec ces nids d’entrepreneurs pour encourager l’innovation et à s’inspirer de ce nouveau modèle collaboratif pour attirer la nouvelle génération connectée ?

C’est ce qu’à démontré Brad Krauskopf, du Hub Australia, lors d’une des sessions de la Unconference en nous montrant ces chiffres incroyables :

« Aujourd’hui, seulement 7% de la génération Y, née entre 1980 et 2000 souhaite travailler dans une entreprise du palmarès Fortune 500. Et d’ici 2025, ils représenteront 75% de la population active ».

Travailler dans un bureau isolé et impersonnel où la seule interaction avec les collègues se passe autour de la machine à café et où les employés sont constamment contrôlés par la hiérarchie n’attire plus la nouvelle génération. Ce modèle deviendra donc de plus en plus obsolète dans notre nouvelle économie digitale, mobile et rapide.  Il est temps pour les entreprises de donner à leurs employés plus de flexibilité et de possibilités de collaborer.

Quelques projets de grande envergure en la matière ont été entrepris récemment en Angleterre et aux USA :

• Zappos, géant du e-commerce américain, qui a créé le Downtown Project à Las Vegas et investit 350 millions de dollars dans la revitalisation d’un quartier de cette ville, surtout connue pour son tourisme et ses casinos. L’objectif est d’être en phase avec la culture de la société, et de créer un écosystème d’innovation et d’entrepreneuriat pour attirer de nouveaux talents.
• Tribe Wanted en Angleterre aide les managers des grandes boites épuisés à retrouver l’énergie et le goût pour la vie à travers des retraites et des programmes collaboratifs, tels que des camps à l’écart de la technologie dans des forêts anglaises ou étrangère.
• Cowerks, un espace de coworking basé au New Jersey, a obtenu 240 000 $ de l’état pour étendre son espace et améliorer ses équipements.

Mais quel rôle, autre qu’inspirant, peuvent jouer les espaces collaboratifs dans cette évolution?  D’après Alex Hillman, qui gère un des blogs les plus complets sur le sujet et qui a participé à l’une des sessions en Hangout live depuis Philadelphie, les espaces de coworking, après avoir construit une communauté solide, doivent sortir de leur zone de confort, c’est-à-dire l’espace qu’ils possèdent et gèrent, pour toucher de leur empreinte le vaste monde.

« N’essayez pas d’attirer des corporates dans vos espaces collaboratifs, mais agissez là où ils se trouvent et aidez les à créer une nouvelle expérience dans leur propre espace de travail. Essayez de comprendre pourquoi les gens ont difficile à se retrouver et aidez-les ».

Les grandes entreprises et le secteur public réalisent également qu’ils ont tout intérêt à mettre un pied dans le milieu entrepreneurial local et à garder un oeil sur les initiatives et startups qui émergent de ces hubs créatifs et peuvent les aider à innover. En 2 ans, environ 70 dirigeants, maires et ministres ont visité le Hub Singapore pour apprendre comment innover plus vite grâce aux communautés collaboratives.

Des partenariats à succès, fondés sur la confiance et une vision commune, ont prouvé le potentiel de telles collaborations :

• L’INSEAD Entrepreneurship Bootcamp, déjà à sa 5ème édition, né du partenariat entre la banque DBS, l’école INSEAD et le Hub Singapore, qui a pour but d’encourager et de guider les jeunes intéressés par l’entrepreneuriat à lancer un business avec un but social.
• Le programme Spark en Australie entre le géant de la consultance PWC, le gouvernement local et le Hub à Melbourne. 80 000$ permettront d’offrir une infrastructure et de guider 16 « sparks », entrepreneurs locaux, dans leurs premiers projets.

Création de l’Asian Coworking Alliance pour créer des synergies entre les espaces de coworking

Un autre défi des espaces de coworking sera de permettre une collaboration plus étroite entre les différentes communautés qui se sont multipliées partout dans le monde. L’idée est de pouvoir créer des synergies et partager les bonnes pratiques pour professionnaliser ces espaces.

Mais il s’agit également de permettre aux membres de pouvoir utiliser les espaces d’autres villes lors de leurs déplacements grâce à une sorte de « pass » ou un « visa » pour les entrepreneurs nomades. Les différentes sessions de la Unconference à Hubud auront permis de progresser dans cette voie et ont même donné naissance à l’Asian Coworking Alliance (ACA) qui sera dédié à cette fin.

Mais l’idée d’un « visa » pose plusieurs questions financières et techniques. Tout d’abord, les données des membres, les systèmes de paiement et la gestion du crédit sont actuellement gérés de manière très locales et nécessiteraient donc d’être plus structurés. De plus, le coût de l’immobilier et de la vie dans les différentes d’Asie du Sud-Est peuvent être multipliés par 10 selon que l’on se trouve en Indonésie ou à Singapour. Une idée pour contourner ce problème qui a émergé lors des discussions est de fournir un code de bonne conduite pour une utilisation raisonnable de quelques jours gratuits par an dans d’autres espaces de coworking, au-delà desquels le travailleur devra devenir membre.

L’offre d’espaces de coworking se diversifie

Autre grand défi: se différencier de la concurrence, notamment de ces espaces de coworking qui mettent à disposition des infrastructures pour les entrepreneurs mais se préoccupent peu de l’aspect collaboratif. Ils offrent la possibilité de louer un bureau et de bénéficier de quelques services collectifs associés (par exemple Collective Works à Singapour). Cette option peut sembler trop impersonnelle pour les indépendants en recherche d’interactions sociales et de partage d’idées, mais vise un autre profil de travailleurs: les PME et les entrepreneurs en forte croissance qui ont besoin d’un espace plus pro.

Ces 2 pôles du même phénomène, font également face à un nouveau type de concurrent : les Megaspaces dirigés par des sociétés immobilières et les gouvernement, comme l’immense Block 71 à Singapour, qui ont pratiquement perdu tout esprit collaboratif.  Il s’agit donc pour les espaces de coworking de continuer à mettre leur principale valeur ajoutée, c’est-à-dire leur communauté, au coeur de leur stratégie de croissance.

En conclusion, malgré leur croissance exponentielle, beaucoup de défis attendent les espaces de coworking dans les prochaines années et ces 3 jours leur auront permis de partager des pistes de solutions pour progresser dans la bonne direction, et même de créer une nouvelle entité commune.  Ils ont déjà décidé de se réunir à nouveau en 2016 et nous sommes impatients de savoir comment ils auront relevés les différents défis qui les attendent.