Dans le cadre du Grand Débat sur la Transition Énergétique, Nantes Métropole a sélectionné 10 projets et les a rassemblés dans la communauté les Activateurs. Wedogood les a accompagnés dans leur opération de financement participatif et nous livrons ici les enseignements de cette expérimentation.
Cet article est publié dans le cadre de la recherche social impact business model.
La transition énergétique a besoin de nouveaux modes de financement. Les collectivités ne sont pas en mesure de porter à elles seules l’ensemble des projets du territoire à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui. C’est pourquoi Nantes Métropole a profité du Grand Débat sur la Transition Énergétique pour tester de nouvelles façons d’accompagner les porteurs de projet et d’impliquer à leur côté les citoyens. L’objectif était aussi d’impliquer autrement la collectivité, qui devient plus qu’un financeur : un véritable soutien, qui fait monter en compétences les porteurs de projet.
Convaincue de la pertinence du financement participatif comme levier de mobilisation des citoyens autour de projets à forte valeur ajoutée pour le territoire, WE DO GOOD s’est engagée aux côtés de Nantes Métropole pour tester de nouvelles façon de faire. Cette expérimentation collaborative unique en France nous a permis d’identifier 5 clés pour accélérer la transition.
1. Pas de financement sans accompagnement
Là où d’autres collectivités ont simplement donné un coup de pouce financier à des campagnes de financement participatif, Nantes Métropole est allée plus loin en intégrant au dispositif l’accompagnement au montage. Cela nous a semblé indispensable pour démultiplier l’impact du soutien financier de la collectivité car peu de porteurs de projet avaient les compétences ou les moyens de se lancer et réussir leurs campagnes seuls.
Par ailleurs, une campagne réussie représente plus qu’une réussite ponctuelle : une campagne de financement participatif est un véritable défi pour lequel il faut développer des compétences, ainsi qu’un réseau. Ce retour d’expérience pourra être exploité par les porteurs de projet tout au long de la vie de leur projet, le retour sur investissement pour le territoire se fait donc sentir dans la durée.
Par contre, les moyens nécessaires à cet accompagnement ont été sous-estimés : les porteurs de projet avaient besoin d’une formation au financement participatif et d’un suivi régulier et personnalisé tout au long de leur campagne (a minima 4 mois d’accompagnement par projet).
2. Manier avec souplesse la comptabilité publique
Aujourd’hui, une collectivité ne peut pas soutenir directement un projet via une plateforme de financement participatif. Pour innover il faut donc trouver des petites astuces. Notre expérience nous a permis de guider Nantes Métropole dans la mise en oeuvre du dispositif, notamment au niveau comptable.
Comme le témoignent Anne-Line et Maxime, les agents de Nantes Métropole au coeur du dispositif :
“Pendant 5 mois d’accompagnement, ce sont deux mondes (start-up et collectivité) aux modes de faire très différents qui se sont rencontrés. Ce n’a pas été un travail simple. Là où les start-up doivent être souples pour s’adapter à toutes situations, les collectivités doivent composer avec de nombreuses contraintes, souvent comptables et juridiques dans le cas du crowdfunding.”
Dans des délais un peu courts pour le rythme d’une collectivité, une solution a pu être trouvée pour soutenir financièrement les associations sélectionnées mais pas les entreprises, pour lesquelles les contraintes des soutiens financiers publics sont plus importantes. Cela nous semble très dommage, surtout car nous sommes convaincus que la transition énergétique passe par la mobilisation de tous les acteurs et que c’est crucial de soutenir l’émergence de solutions innovantes visant un modèle économique pérenne et autonome vis-à-vis de la collectivité.
Pour une prochaine expérimentation, nous recommandons de passer par une structure tierce qui s’occupe de répartir les fonds pour l’ensemble des projets sélectionnés, quel que soit leur statut. Par ailleurs, il faudrait s’assurer que les fonds attribués dans le cadre d’un dispositif de ce type sont effectivement utilisés pour amorcer les campagnes et impulser donc la dynamique, ce qui n’a pas toujours été le cas lors de cette première expérimentation.
3. Impulser oui, mais pas trop vite
Le Grand Débat a imposé un calendrier assez strict, à la fois sur le recrutement et sur la mise en place des campagnes de financement participatif. Or, chaque projet a un rythme propre qui est parfois différent du rythme institutionnel. Cela concerne plus particulièrement les projets issus de collectifs. Il a donc été difficile de faire respecter le calendrier initialement prévu.
Par ailleurs, certains des projets impulsés par la collectivité n’étaient pas encore assez mûrs pour un tel dispositif, ce qui a été à la fois source de frustration et de stress pour le porteur de projet, ainsi que générateur de complexité pour l’accompagnement. Par exemple, le lancement de certaines campagnes a été décalé tout simplement parce que le porteur de projet ne savait pas ce qu’il cherchait à financer ou parce que sa structure n’était pas créée.
Néanmoins, le fait d’avoir imposé un rythme et des moments de rencontre a également eu des effets bénéfiques, notamment le partage d’expériences et le soutien entre porteurs de projets, ainsi qu’une émulation collective à certains moments.
Gaëlle et Elisabeth, deux des porteurs de projet accompagnés, en témoignent :
“J’aimerais continuer à rencontrer les porteurs de projet ensuite. L’idée serait de continuer à se motiver les uns les autres, croiser nos expériences, nos réseaux, nos regards, avoir des analyses de pratique. Toutes perspectives d’échanges, d’émulation, et de retours d’expériences sont bénéfiques dans ce type d’expérimentation. Nos projets se « nourrissent » d’une certaine façon et grâce à leur complémentarité, ils ne peuvent que nous conforter dans nos choix d’innover”.
Pour une prochaine expérimentation, nous préconisons de prolonger la période de recrutement, voire d’intégrer des sessions de “propulsion” de projets en amont de la sélection, afin de bien identifier ceux qui sont effectivement prêts. Concernant le processus d’accompagnement, il serait peut-être intéressant de tester des sessions de travail collectives encore plus intensives, en mode “start-up weekend”.
4. Une expérimentation qui aurait mérité plus de visibilité
Cette expérimentation faisait partie d’un dispositif beaucoup plus large, le Grand Débat, qui impliquait 6 communautés. Chacune était visible du grand public et chacune portait des expérimentations utiles au débat. Cette variété a permis de faire avancer de nombreux sujets et initiatives et de mobiliser les citoyens de différentes manières.
Cependant, le grand nombre de communautés, de prises de paroles, d’actions a rendu le dispositif assez illisible et difficile à expliquer au grand public. Le travail de chaque communauté aurait mérité une visibilité plus importante pour ne pas être noyé dans l’ensemble des travaux du Grand Débat. C’était le cas des activateurs, pour lesquels une visibilité plus importante aurait joué sur le niveau de réussite des campagnes.
Pour une prochaine expérimentation, nous préconisons qu’elle soit menée à part entière, en dehors de dispositifs plus globaux nécessitant une communication auprès du grand public.
5. De nouvelles façons de faire qui changent la collectivité
Pour terminer notre bilan, nous tenons à dire que, de notre point de vue, un des aspects positifs de cette expérimentation a été de faire sortir les agents de la collectivité de leur rôle habituel et de challenger leur façon de faire en les mettant à côté d’acteurs qui ont l’habitude de travailler de façon plus collaborative et agile.
Nous avons eu beaucoup de plaisir à travailler avec l’équipe de Nantes Métropole, qui a su s’adapter et même adopter des codes dont ils n’avaient pas l’habitude mais que nous n’avons pas imposé. Aux dernières nouvelles, même l’aménagement de leur bureau a changé, de façon à ce que ce soit plus facile de travailler de façon collaborative et créative !
Des clés pour la suite ?
Cette expérimentation nous a permis d’identifier des clés pour que les collectivités soient en mesure de soutenir plus de projets en s’emparant du financement participatif et en mobilisant les citoyens. La collectivité joue déjà un rôle majeur dans le financement de ces projets mais ne peut pas porter seule le risque, et ne possède pas les moyens financiers pour l’ensemble des projets émergents.
Le financement participatif permet de démultiplier les moyens de la collectivité et de laisser le choix de la prise de risque aux citoyens. Le fait que les citoyens jugent qu’un projet n’est pas suffisamment pertinent pour être financé peut devenir un indicateur stratégique pour la collectivité. On va donc au-delà des logiques de budget participatif : le citoyen donne son avis sur l’utilisation du budget de la collectivité en s’engageant financièrement à ses côtés.
Il nous semble donc très pertinent que les collectivités s’emparent du financement participatif. La majorité des porteurs de projet accompagnés considère aujourd’hui que les collectivités doivent le faire afin de soutenir l’ensemble des projets qui ont du sens pour le territoire :
“le financement participatif révèle une nouvelle forme d’investissement et d’engagement citoyen et les collectivités ne peuvent échapper à cette évolution des nouveaux usages liés à l’argent public. Elles ont un rôle majeur en terme d’exemplarité”.
Toutefois le crowdfunding ne doit pas devenir le seul levier d’action et “ne doit pas être perçu par les habitants comme un signe de désengagement progressif des collectivités dans le financement de projets utiles à la société et porteurs de sens”. Il faudrait par ailleurs aller au-delà des logiques de don, qui passent le mauvais message : “cela reste assez sensible de demander à des citoyens de financer des projets alors que ceux-ci paient déjà des impôts pour le fonctionnement de la collectivité”.
Le prêt ou l’investissement participatif sont donc à privilégier, mais il y a un enjeu d’accessibilité, aussi bien en termes de montants que de la complexité des dispositifs. Avec le financement en royalties, c’est possible et simple, grâce à un montant d’investissement minimum de 10 €, accessible à tous, et un retour sur investissement trimestriel !
Essentiel à l’âge de la multitude