Une start-up hollandaise vient de lancer le premier portable « équitable » du marché. Leur Fairphone, déjà vendu à 25 000 exemplaires, respecte un cahier des charges rigoureux et une transparence maximale quant à sa fabrication.
Acheter un portable : un acte politique. Quand les géants de la high-tech, Samsung et Apple en tête, se livrent une guerre marketing à grande échelle, jouant sur le gadget et l’ostentatoire, cette assertion peut paraître saugrenue. Pourtant, une start-up hollandaise vient de faire son entrée sur le marché ultra-concurrentiel du smartphone, avec un produit qui va à rebours des pratiques du secteur.
Le Fairphone, qui se veut « écologique, équitable et éthique », a déjà séduit 25 000 acheteurs, qui ont passé commande avant même d’avoir pu tester ce joujou alternatif. Livrés à Noël dernier, ces clients du monde entier sont les pionniers d’une autre façon de consommer le portable. Une expérience qui a pris forme autour du jeune designer néerlandais Bas ven Abel. Deux ans de recherches et de campagne de sensibilisation ont servis à la genèse de son Fairphone, dont le look et les caractéristiques ressemblent en tous points à ses concurrents issus du marché traditionnel.
« Changer le système là où il est le pire »
En effet, leurs différences sont invisibles à l’œil nu. Mais elles revêtent une ampleur cruciale. La start-up hollandaise mise sur une chaîne d’approvisionnement rétribuant au prix juste ses fournisseurs, qui doivent opérer en dehors des zones de conflits. Au vu des scandales liés aux conditions de travail des usines asiatiques des grandes marques ou des tensions guerrières en RDC autour des mines de cobalt, cette traçabilité fait office de révolution. Si, de l’aveu même de Bas van Abel, il est « impossible de produire un téléphone 100% équitable », ce cahier des charges strict, supervisés par des ONG telles que Conflict-Free-Tin Initiative et Solutions for Hope, est tant la preuve qu’un mode de production alternatif est possible. L’initiative est aussi un moyen détourné de faire pression sur les « majors » du secteur, pour pousser vers le haut leurs propres exigences techniques et humaines. « Nous voulons changer le système là où il est le pire », confiait ainsi récemment Bas ven Abel au quotidien Les Echos.
Une facture ultra-détaillée
Misant sur le Do it yourself, le Fairphone, réparable à l’envi, largement recyclable et doté de deux emplacements pour cartes Sim, est construit pour durer. Côté performance, il tourne sous Android 4.2, est pourvu d’un écran HD tactile de 4.3 pouces de résolution 960 x 540 pixels, d’un processeur quadricoeur de 1.2 GHz, de 16 Go de mémoire interne, d’une caméra arrière de 8 mégapixels et d’une à l’avant de 1.3 mégapixel. Le tout pour 325 euros. Un tarif qui est détaillé sur le site Internet de l’entreprise – transparence oblige. On apprend ainsi que 129,75 € viennent des coûts liés au design, à l’achat de composants, à la fabrication et à l’assemblage du téléphone, 1€ est consacré au packaging, 17,75 € au personnel, aux bureaux, aux technologies de l’information et au voyage…
La Hollande semble s’imposer contre l’autre pays du téléphone : outre le Fairphone, les Bataves ont conçu le Phonebloks, un mobile conçu en différents blocs, aisément réparables et améliorable, visant, lui aussi, à réduire les déchets électronique et combattre l’obsolescence programmée. Sachant qu’il se vend environ 60 téléphones par seconde dans le monde, l’enjeu de ses mobiles alternatifs est tout sauf accessoire.
Photo : Massimo Mercuriali