La plate-forme de micro-dons Gittip permet de financer, de façon hebdomadaire, le travail de développeurs. Une initiative qui rend concrète l’utopie de l’économie du don.
Payer ce que l’on veut pour un service ; définir sa propre rémunération selon l’argent récolté. Utopie classique qui buzze en bruit de fond à la critique de notre capitalisme depuis des décennies. Loin d’une sanglante révolution politique, une simple appli, baptisée Gittip, s’impose depuis quelques mois comme la matérialisation « open » et « 2.0 » de cette révolution des échanges. Créée par Chad Whitacre, un jeune développeur américain, Gittip est une plate-forme de dons qui fait le lien entre utilisateurs et « producteurs » autour de contributions hebdomadaires en échange de services.
Ce dernier avatar du crowdfunding ajoute la logique de contact de Twitter et la philosophie « open » aux mécanismes des plateformes plus traditionnelles (Kickstarter, Indiegogo, etc.). Dons anonymes, hebdomadaires, de 100 dollars au maximum, servent ainsi de carburant à une économie alternative où les prix se fixent d’eux-mêmes. Pour l’heure, ce sont essentiellement des projets de développement informatique qui sont nés de cette communauté, où 2700 utilisateurs échangent 12 300 dollars par semaine, en cette fin mars 2014. Des pionniers geeks, en quelque sorte.
Système vertueux d’innovation
A partir d’un simple compte Twitter, ou du compte maison GitHub, chacun peut donc sélectionner les personnes ou les projets qu’il souhaite aider. Les dons font des allers-retours entre les membres de la communauté, et irriguent ainsi un système vertueux d’innovation. Les trop gourmands sont éliminés du jeu de façon naturelle.
Pour gérer ce système d’économie alternative, Gittip lui-même se finance grâce aux dons issus de sa propre plate-forme (les Américain appellent cela « eating your own dog food). Pas de commission donc sur les transactions, pour éviter toute déperdition de capital entre le donneur et le receveur.
Quelques développeurs vivent déjà des financements Gittip, avec autour de 300$ par semaine, souvent autour de projets novateurs autour des logiciels libres. Les bénéfices de cette « gittip-économie » ne proviennent donc pas des produits vendus mais de l’évaluation d’une compétence, d’un service rendu à la communauté, voire, pour reprendre la feuille de route de l’organisation, de la participation de chacun « pour un monde meilleur ».
Ressentiment et culpabilité
Chad Whitacre, le fondateur de Gittip, expliquait ainsi récemment comment se fixaient les prix sur le site : il faut trouver « le point d’équilibre entre le ressentiment et la culpabilité. Si les développeurs prennent moins que ce qu’ils estiment mériter, ils auront du ressentiment contre leurs collègues. Mais s’ils touchent plus, ils se sentiront coupables. La seule solution est de trouver ce parfait équilibre de contentement ».
Si la taille de Gittip est encore modeste, même à l’échelle de l’économie collaborative, cette expérience radicale change la philosophie-même des échanges économiques et de la valeur des marchandises et des services. Gittip, toujours en voie d’amélioration, transforme les « produits » en « biens communs », réplicables et améliorables à l’envi, sans que personne ne profite plus que les autres de la valeur générée. Un pont entre les activités collaboratives « gratuites », sur le temps libre (comme la curation de Wikipedia…) et les bourses d’innovation. Reste à voir si Gittip aura un effet boule de neige. Peut-être alors que de cette micro-initiative de micro-donc naîtra une révolution mondiale…