En 2014, Without Model et Mutinerie vous proposent Open Experience, une série d’articles et d’événements autour des modèles économiques ouverts (open science, open data, open source, open manufacturing, …). Synthèse de ce premier rendez-vous autour de la culture le 21 janvier de 18h à 22h à Mutinerie (29, rue de Meaux, 75019).
Deuxième rendez-vous autour du logiciel le 6 mars, autour de l’éducation le 16 avril.
Et si tous les contenus étaient ouverts, quels modèles économiques ?
C’est la question qu’on s’est posée le 21 janvier de 18h à 22h à Mutinerie (29, rue de Meaux, 75019)
- une cartographie des modèles existants par Lionel Maurel (aka Calimaq)
- une table ronde avec Camille Domange (Ministère de la Culture) et Neil Jomunsi (entrepreneur / artiste)
- un dîner avec ces gens passionnants
Une cartographie des modèles économiques par Lionel Maurel
Lionel a commencé par commenter ce qu’il avait écrit sur Without Model à propos des 7 modèles économiques de l’open dans l’art et la culture en s’appuyant sur la cartographie qu’il avait réalisée.
Ca commence à 6’35 (jusqu’à 44’55)
Un débat avec Camille Domange et Neil Jomunsi
Camille Domange est Chef du département des programmes numériques au ministère de la Culture et de la Communication. Il vient de remettre un rapport intitulé « Ouverture et partage des données publiques culturelles. Pour une (r)évolution numérique dans le secteur culturel ». Nous l’avions interviewé juste avant la soirée : sur le thème de l’open data culturel.
Neil Jomunsi est auteur de nouvelles et de romans et il expérimente de nouvelles façons de diffuser son art auprès de ses lecteurs avec le projet Bradbury : 52 nouvelles, une par semaine pendant un an.
Neil Jomunsi : témoignage d’un auteur « libre »
Julien Simon, créateur de la société d’édition Walrus, publie des livres numériques. Sous le nom de plume de Neil Jomunsi, il a lancé le « projet Bradbury » consistant à publier une nouvelle hebdomadaire pendant 52 semaines, le tout sous licence Creative commons.
Le projet Bradbury
« Je n’ai pas encore le recul pour voir la différence entre projet Bradbury sous forme classique et sous Creative Commons. En fait, ce choix revient plus à une réflexion sur le sens du projet, c’est une réflexion éditoriale et artistique. Je pars d’un principe simple : mon éducation artistique et littéraire, je l’ai faite dans les bibliothèques. Mes parents m’y amenaient deux fois par semaine et j’y faisais le plein de livres. C’est un truc qu’on ne peut pas vraiment faire avec le livre numérique.
Évidemment, étant depuis quatre ans à l’origine de la création d’une maison d’édition 100% numérique, je ne pouvais pas penser à un autre support quand je me suis lancé dans le projet.
J’écris une nouvelle dans la semaine, je l’édite, et je la livre au public à la fin de la semaine. Elles sont vendues 90 centimes mais distribuées sous licence Creative Commons. On peut donc la prêter à sa sœur, sa mère, son voisin…Passer sous licence ouverte permet d’ouvrir le texte au prêt. »
Un modèle économique expérimental
« Les nouvelles sont vendues sur les plates-formes de distribution classique.
Au début du projet, je savais bien que je n’allais pas être millionnaire en trois semaines.
Pour 40 euros, on peut aussi avoir accès à toutes les nouvelles, sous forme d’abonnement (au lieu de 52 euros). C’est plus intéressant pour moi mais aussi pour les lecteurs, qui ont fait l’investissement financier et moral. Je sais qu’ils vont lire les nouvelles. Quand on a payé 40 euros, on a plus tendance à lire quelque chose qu’on aurait téléchargé gratuitement
La littérature en partage
« Avec le livre numérique, je peux adapter ma réflexion et ma stratégie de vente en temps réel. En ce moment, je fais un roman par mail : je publie chaque semaine un chapitre. Cette semaine, par exemple, j ai constaté un usage encore inconnu : une blogueuse littéraire m’a proposé de publier mon texte sur son blog, vu que c’est sous licence libre. Proposer de la littérature en licence libre est un moyen de favoriser le partage. »
Pourquoi ce type de licence
« C’est une réflexion en cours. Vu l’énergie que je mets à placer une virgule ou à couper une phrase, je ne veux pas que quelqu’un reprenne ce texte et le modifie à sa sauce. Après, si quelqu’un veut reprendre le thème d’une de mes nouvelles, les idées ne sont pas protégeables. Et je n’ai aucune envie de les protéger. Je m’inspire aussi d’idées que j’ai vues à la télévision, que j’ai lues dans un livre…. Je ne suis pas contre le fait de remixer. Il y a certainement des choses qui m’échappent, mais ça m’a semblé être la licence la plus correcte. »
Les contributions de la salle
En marge des exposés et interventions de la soirée consacrée aux liens entre art et culture libre, le public, très collaboratif, a apporté ses interrogations et remarques pour faire avancer le débat. En voici un florilège…
La science par tous
Le Crowdsourcing au service de la science est en plein boom : en ouvrant la recherche en dehors des laboratoires, parfois par l’intermédiaire de jeux, des initiatives isolées peuvent contribuer à des avancées scientifiques majeures. C’est le cas récemment, au moyen du jeu vidéo « Fold It », où des participants ont effectué une recombinaison de protéines en trois semaines alors que des chercheurs « traditionnels » étaient bloqués depuis plusieurs années. Dans la culture, ce type de collaboration est encore peu développé, alors que le potentiel est énorme.
Candy Chang
Cette artiste américaine a investi les murs de quartiers abandonnés. Son projet collaboratif intitulé « before I die » permet aux habitants de raconter ceux qu’ils attendent pour leur ville, et ce qu’ils souhaitent accomplir durant la suite de leur vie. La phrase commence ainsi : « Avant de mourir… » (before I die), et chacun complète le vide.
Code source et art
Que serait le code source pour les arts ? De quelles libertés sommes-nous réellement privés en tant que public/consommateur ? Probablement de la liberté d’apprendre. Peut-être du secret de fabrication dont on aurait besoin pour mieux comprendre l’œuvre, et pour s’initier ou améliorer ses propres pratiques – par exemple connaître les « trucs » d’un photographe. Le dernier album de Beck, par exemple, n’est vendu que sous forme de partition (certes, pas sous licence libre)…
Le disque « crowdfunded »
La chanteuse des Dresden Dolls, Amanda Palmer, a expliqué récemment dans une conférence TED qu’elle a eu besoin de l’aide de ses fans pour produire son dernier disque. Un lien s’est ainsi créé entre l’artiste et sa « communauté », un sentiment d’appartenance, un partage avec l’artiste autour d’un projet commun.
La sculpture à domicile
Avec le boom de l’impression 3D, la sculpture n’échappera au partage sur internet. Sur des plateformes dédiées, on peut imaginer la diffusion, libre, d’œuvres à répliquer chez soi… Un développement qui pourrait mettre en scène les musées publics (visiblement pas encore préparés à une telle révolution), autour des œuvres du domaine public.
Public et gratuité
Trouver un modèle économique dans l’open revient à savoir articuler au mieux gratuit et payant, choisir où mettre le curseur. Sur internet, tout le monde est obligé d’aller vers des formes de gratuité, comme on le voit avec Deezer, mais aussi avec les vidéos qui circulent sur Youtube, où les titulaires de droit eux-mêmes postent désormais des contenus gratuits.
Des licences pour les œuvres d’art ?
Deux camps semblent se dessiner aujourd’hui : d’un côté les auteurs qui ne se préoccupent pas des questions de droits (gérées par leur agent, leur éditeur), et de l’autre le camp du libre. Le développement des licences pour l’art constitue effectivement un chantier décisif.
Un modèle pour la culture libre ?
L’art peut-il, comme la presse, basculer dans l’open et la diffusion online, souvent synonyme de gratuité d’usage ? Pour l’instant, il semble que l’on en soit à un stade de « coup d’éclat » : des initiatives marchent, de manière spectaculaire, mais elles demeurent trop spécifiques pour être dupliquées et répétées. Il manque des plateformes – telles que Flickr pour les photos – ou un arrimage à l’économie traditionnelle (en particulier pour l’industrie du cinéma).
On pourrait ainsi avoir la tentation de vouloir plaquer un modèle unique sur chaque secteur, mais, en pratique, les modèles économiques (financement participatif…) doivent être conçus et adaptés à la spécificité du créateur et des instituions concernées. Les expérimentations, les choix du public, et le temps, diront quels sont les modèles les plus pertinents.
Au fait, c’est quoi le Without Model de cet événement ?
Pour les coûts : exclusivement la logistique (salle + apéro)
Pour les revenus : la billetterie
Donc :
- les gens qui conçoivent, préparent et animent nos événements ne sont pas rémunérés
- nous n’avons pas de sponsors, c’est un choix, on préfère baser nos revenus sur les individus
Ah oui et sinon, ceux qui ont contribué en temps (écrire un article, animer un événement précédent, donner une interview) à Without Model en 2013 sont invités, c’est une contrepartie à leur contribution.
Et si on est bénéficiaire sur l’événement, l’argent servira à financer l’édition d’une synthèse des Open Experiences.
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C’est quand même ahurissant de prétendre aborder les futurs modèles économiques pour la création culturelle sur Internet, et de ne faire aucune référence au Partage Marchand !
Je vous souhaite une bonne journée à vous auto-congratuler.